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Projet « Armer la militance, désarmer la surveillance » (1)
Nov 18, 2019

Ok guys. This is a big one.

La technologie doit toujours être au service d’une ambition politique. Sans volonté politique, un marteau reste un marteau, une faucille reste une faucille [1]. Nous devons mettre la technologie au service de la société que nous voulons bâtir. Ensemble.

Les hacker⋅euse⋅s de tout bord se sont rassemblé⋅e⋅s. Iels communiquent. C’est formidable, mais ce n’est pas assez. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous asseoir sur nos compétences techniques en nous flattant de la sécurité que nous nous sommes offerte. Parce que pendant ce temps-là, les autres sont dehors, et sont à découvert. Et pire encore, iels l’ignorent ; ou s’iels ne l’ignorent pas, ne mesurent pas le danger ; ou s’iels le mesurent, ne savent pas s’en défendre. Et nous ne savons pas leur offrir une défense.

Le guide d’autodéfense numérique [2] est un ouvrage formidable de richesse. C’est aussi un botin de 800 pages, qui sert plus à former du futur cypherpunk qu’à rapidement expliquer à un collectif gestionnaire de squatt, à un mouvement féministe radical, à un groupe queer ou à une communauté anarchiste comment ne pas laisser voler ses données.

Iels se battent pour nous, et nous devons être leur geek in a chair. Sans Alfred, Batman serait mort mille fois en arpentant Gotham ; mais Alfred peut bien se targuer de savoir utiliser un ordinateur, il ne va pas sauver la ville tout seul en faisant frémir sa moustache 2.0. [3]

Nos écrits sont inaccessibles. Notre cercle parle en fermé. Notre vocabulaire est cryptique [4]. Et, moi le premier, nous ne sommes pas fichus de nous rendre compte d’à quel point nous avons les outils mais sommes incapables d’écrire un manuel simple, ou peut-être ne cherchons-nous pas à l’écrire. Est-ce que j’apprends seulement quoi que ce soit à quelqu’un, en fait, là ?

Je sais que la volonté existe. Je sais que partout, plein de camarades essaient de former. Je les vois, s’échiner à organiser des événements dans des hackerspaces inclusifs ; essayer de parler à un public avec des mots simples pour aborder des questions complexes techniquement mais politiquement accessibles ; faire des ateliers de prévention et de formation pour tous les âges et tous les niveaux. Et je ne peux que les féliciter : je ne serais sans doute pas en mesure de faire aussi bien. Et le faire est plus que nécessaire.

Cela dit, je veux essayer de faire quelque chose. Une sorte de quête de la pierre philosophale du militantisme couvert. J’ai décidé de partir en exploration, trouver ce qui existe qui peut convenir. Des outils simples pour glisser sous les radars. Des armes efficaces, accessibles, fiables, sans compétences techniques. Suivant les besoins, les périphériques, les risques. Et je veux essayer de tout plaquer ici, en quelques lignes, avec juste ce qu’il faut pour comprendre comment ça marche et à quoi ça sert.

Proposer des solutions simples pour une organisation rapide, ou avancées pour les plus motivé⋅e⋅s. Dire ce qui ne va pas, quels sont les risques, et comment s’en prémunir autant que possible. Rappeler que la perfection n’existe pas. Indiquer comment se trouver, se parler et comment protéger les autres en se protégeant soi-même.

Je me lance donc, au fil des prochaines semaines, mois, années, dans une série sur ce blog qui sera classée sous l’emblême du projet « Armer la militance, désarmer la surveillance ». Je ne sais pas dire à quoi ça ressemblera précisément. J’ai déjà des idées, des sujets, des pistes. J’ai envie de tester des outils inconnus ou de remettre en avant des outils désuets. J’ai envie de créer des petites fiches simples à se partager entre militant⋅e⋅s. Peut-être même un sommaire ?

J’espère pouvoir aider le savoir à aller rejoindre celleux qui ont vraiment besoin d’y accéder, et sortir des gargarismes élitistes dans lesquels nous avons, moi compris encore, bien trop tendance à nous enfoncer avec satisfaction.

Bien plus encore, j’espère que ça pourra servir à alimenter des ateliers, des discussions, des débats, et ce venant de personnes sans formation ni grandes connaissances. Un peu comme quand on lit un livre de vulgarisation, et qu’on est capable par la suite d’en parler sans devoir inviter l’auteur⋅ice. J’aimerais voir des militant⋅e⋅s former un collectif, et se dire « avant toute chose, désormais, voici comment nous communiquerons ». Créer du silence ou du bruit, mais ne pas vendre l’information à celleux qui la cherchent.

J’espère que demain sera plus sécurisant pour les camarades, et plus à craindre pour celleux qui cherchent à contrôler leur pensée et leurs actions. Et j’espère quelque part pouvoir enfin aider à aller dans ce sens. Avant que tout ne se casse la gueule.

Nous devons armer la militance pour désarmer la surveillance.


Merci à Gordon, Goofy, Grandasse et Jérémie pour leur relecture.

Post-scriptum

Suite aux premières relectures de ce texte, j’ai l’impression de créer un effet d’annonce bien trop fort comparé à ce que mon petit esprit vise.
Ce n’est pour le moment qu’un constat d’une problématique (suite à des échanges avec des militant⋅e⋅s de mon entourage proche), l’établissement d’un besoin, et l’envie d’apporter quelque chose en solution. C’est aussi une volonté de trouver de nouvelles façons de faire encore trop peu explorées.
Je ne compte pour le moment que poster sur mon blog des trouvailles, des outils, des pistes, des solutions, au fil des différents chapitres de ce projet.
Si cela doit devenir un véritable arsenal, tant mieux ; sinon, on continuera comme ça viendra. Tout se fera pas-à-pas, au rythme des trouvailles et des échanges que tout cela pourra générer.
Et peut-être que ça aura simplement donné l’impulsion à quelqu’un, quelque part.


  1. J’aurai donc tenu une phrase avant de faire une blague sur le communisme. Bien. Bien bien bien. Ça promet. [return]
  2. https://guide.boum.org/ [return]
  3. Normalement, tout bon gaucho a quitté cette page en voyant que je le comparais à un milliardaire instable qui étale sa thune en frappant des anarchistes motivés dans une ville qu’il contribue lui-même à détruire. Oups. [return]
  4. Et la plupart de nos débats internes sur la différence entre crypté et chiffré ; ou une dénonciation pointilleuse d’une enfreinte au RGPD n’intéresse que nous. [return]