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Qu'est-ce qu'on veut ?
May 11, 2020

« Qu’est-ce qu’on veut » [1]. En voilà une question. À quoi on sert ? Quelle est la finalité ?

Alors que nous parlons du « monde d’après » partout, et qu’Attac signe une tribune en coalition avec des syndicats, Green Peace, et tant d’acteurs qui jusqu’à maintenant se focalisaient sur leur créneau sans tenter de croiser les flux, il est temps de se poser la question. Dans ce monde d’après, ils font quoi, les FAI ? Ils servent à quoi les GULL ? Ils sont où les hackers ?

Les derniers jours avant la fin du confinement [2] se sont animés. Je ne sais pas si les esprits se sont échauffés à force de carburer en rond dans leurs 9, 20, 50 ou 100m². J’y vois cependant le besoin de se poser la question : où on va ? Et avec qui ?

Pour moi, le monde d’après, on le veut libre du capitalisme. On le veut internationaliste, égalitariste, et loin des violences en tout genre que le capitalisme a apporté avec lui : sexisme, racisme, hétéropatriarcat, et tutti quanti.

Ce monde d’après, il a repensé son écologie. Il a réinventé son économie. Il a redéfini la propriété. Il s’est investi dans les infrastructures et les services au profit de tou⋅te⋅s. Il a déconstruit tout ce qui était à défaire, et il s’est posé pour remettre les briques en place dans une visée de bien commun. Non seulement au sens de possession commune, mais surtout au sens d’amélioration du bonheur général. [3]

Dans ce monde-là, je veux qu’il y ait Internet. Je veux pouvoir continuer à envoyer des mèmes shitpostés à mes camarades. Je veux pouvoir continuer à faire une visio avec ma famille. Je veux pouvoir encore être là pour profiter de tout ce qui m’a créé depuis que j’ai mis la main sur un clavier, il y a quoi… 20 ans ?

Alors, dans le monde d’après, je veux qu’il y ait ces geeks, ces bricoleur⋅euse⋅s des tuyaux, qui construisent le service que les autres vont utiliser. Des poseur⋅euse⋅s d’antennes sur les toits pour interconnecter nos petites communautés autogérées. Et je veux que ces gens ne soient pas juste des poseur⋅euse⋅s d’antennes aussi affûté⋅e⋅s politiquement que des drônes. J’aimerais plutôt que ce soient des gens tout aussi investis que le collectif féministe qui fait des ateliers non-mixtes en-dessous de l’antenne, ou que les gusses qui font pousser les salades qu’on va manger le soir, sur une terre en permaculture.

Les FAI associatifs pourraient être les plombiers des tuyaux numériques de ce super monde d’après. Mais pour cela, il leur faut dépasser leur vision de constructeur de réseau. Il leur faut la volonté de prêter main forte à celleux qui construisent ce monde d’après.

Nous pouvons être le support du changement, et les autres ont besoin de nous pour faire ce job. Sans cela, leur progrès se fera en restant coincé⋅e⋅s dans les serveurs libertariens que nous essayons de combattre. Dès à présent, nous devons être là pour tendre la main et dire : nos réseaux, désormais, sont vos réseaux.

Et pour ça, il faut arrêter, paradoxalement, de faire du réseau le cœur de ce que nous sommes. Nous devons être d’abord des humain⋅e⋅s qui veulent un monde meilleur. Et nous serions alors motivé⋅e⋅s pour fournir une partie de celui-ci, qui sera le socle de nombreuses autres améliorations. Pas juste pour être la « bonne alternative », mais parce que nous voulons co-construire le rêve commun.

Tout ça ne se fait donc qu’en en ayant quelque chose à foutre. En s’intéressant aux autres sujets de lutte, aux féministes, aux LGBTQI+, aux décolonialistes et antiracistes, aux antispécistes, aux anticapitalistes, aux écologistes, aux mouvement citoyens…
Et non, pas aux mouvements de tous bords, justement. En ayant un horizon de rêve, on sait dans quel sens on lutte, et avec qui on veut lutter.

Ça pourrait impliquer de mettre fin à une certaine forme de relativisme concernant ce genre de questions. Ça pourrait même aller à l’encontre de certaines idées depuis longtemps ancrées dans les esprits de ce milieu mais pour autant, désormais, connues comme ayant leurs failles.

Ça pourrait nécessiter de lire ce qu’écrivent certain⋅e⋅s camarades, et de ne plus lire ce qu’écrivent certain⋅e⋅s rockstars. [4]

En bref, on a peut-être beaucoup à gagner de ne plus voir nos activités comme notre fin, mais comme notre moyen. [5]

« La technique, c’est sympathique. Mais tout seul, ça pue de la gueule »
− Karim Debbache, qui ne parlait pas du tout de ça


  1. Est-ce que je vais encore enfoncer des portes ouvertes ? Sans doute, oui. Et alors ? C’est mon blog. Je dis ce que je veux quand je veux. Si ça ne vous va pas, vous n’avez qu’à ne pas être d’accord… sur votre blog, tiens. [return]
  2. Ou en tout cas, du premier round. [return]
  3. Oui, je crois que je suis parfaitement utilitariste et conséquentialiste dans ma vision des choses. Tout doit toujours chercher à avoir pour conséquence l’amélioration du bonheur commun. [return]
  4. Oh la la, mais quelle nouveauté-euh [return]
  5. Certain⋅e⋅s pourraient dire que c’est déjà le cas. S’iels ont raison, tant mieux. Ce n’est cependant pas l’impression que j’ai. [return]